17/08/2025 ssofidelis.substack.com  7min #287532

 La conférence de l'Onu sur la solution à deux États marquée par l'absence d'Israël et des États-Unis

Un pays fondé sur nos tombes, ou le mensonge d'une « solution juste » à deux États

Par  Ahmad Ibsais, le 13 août 2025

J'ai vu aujourd'hui le corps en décomposition d'un Palestinien, réduit à sa seule colonne vertébrale et à quelques côtes. Peut-être était-ce un soulagement bienvenu, après le flot continu d'enfants affamés et moribonds observé jour après jour. Les ossements reposent sur la terre dévastée de Gaza, rappelant ce qu'il advient du droit international lorsqu'il s'applique à la chair palestinienne. C'est le point final de tout "processus de paix" qui commence par notre élimination et prend fin avec notre gratitude.

Mark Carney a annoncé cette semaine que le Canada va reconnaître l'État palestinien en septembre, mais à condition que les Palestiniens acceptent la "démilitarisation". Quelle générosité de la part des bouchers qui nous offrent de quoi manger tout en aiguisant leurs couteaux ! Keir Starmer promet la reconnaissance britannique, à condition qu'Israël accepte un cessez-le-feu et une "paix à long terme". Veulent-ils à récupérer leurs centaines de millions d'"aide" ? Emmanuel Macron évoque l'engagement historique de la France en faveur de la justice, tandis que les entreprises françaises de défense livrent discrètement des millions de composants militaires destinés à la "défense" d'Israël. Le bébé cachait-il des plans de destruction avant d'être abattu ?

Ces annonces coïncident avec une escalade de la violence et une violation flagrante du droit international, drapant les corps des Palestiniens d'un linceul d'injustice.

Ces gouvernements sont confrontés à une opposition interne sans précédent face à leur soutien à l'apartheid israélien. Les campus universitaires se sont révoltés. Les syndicats retirent leurs placements financiers. Les citoyens réclament des embargos sur les armes. Le récit soigneusement ficelé de la victimisation israélienne se délite devant l'ampleur du génocide en cours. Tout ce qu'ils offrent aux Palestiniens, c'est le même calice empoisonné proposé depuis des décennies : la reconnaissance sans souveraineté, un État sans pouvoir, la libération sans liberté. Ils nous proposent leur vision de la libération, tout en veillant à ce que nous ne soyons jamais vraiment libres, car un Palestinien libre est, à leurs yeux, un Palestinien dangereux.

Songez à cette exigence de démilitarisation de la Palestine. Un peuple soumis à 77 ans d'occupation doit promettre de ne pas se défendre en échange de la reconnaissance. L'Autorité palestinienne doit organiser des élections en 2026, alors que l'armée israélienne empêche toute circulation entre les villes. Nous devons nous engager à respecter la démocratie, alors que nous vivons sous un régime militaire qui, rien que depuis le mois de janvier, a déplacé 40 000 Palestiniens de Jénine et de Tulkarem, et a tué au bas mot 60 000 Palestiniens à Gaza.

Starmer ne reconnaîtra la Palestine que si Israël cesse de tuer des Palestiniens au vu et au su de tous. Telle est la farce héroïque selon Starmer. Si Israël nous tue en silence, hors de la vue du monde, la Palestine est perdante. Telle est la "paix à long terme" dont ils se gargarisent. La "paix", plus exactement la soumission dans le jargon des colonisateurs. Le gouvernement britannique subordonne la création d'un État palestinien au comportement d'Israël, comme si notre droit à l'existence dépendait de la capacité de notre oppresseur à être plus discret quand il nous élimine.

Les accords d'Oslo promettaient la création d'un État palestinien par la négociation. Trente ans plus tard, le bilan est lourd : expansion des colonies, intensification de l'apartheid et effacement systématique de la Palestine. Oslo a été signé par des hommes qui ne représentaient pas le peuple palestinien et scellé par le sang de Yasser Arafat, assassiné par les mêmes forces qui dirigent aujourd'hui Israël. Ce traité a montré à Israël qu'il est inutile de vaincre la lutte palestinienne, mais qu'il suffit de l'étouffer suffisamment longtemps pour que le monde oublie que les Palestiniens ont un jour été libres.

Voici le scénario colonial peaufiné au fil des siècles. Les États-Unis ont promis la souveraineté aux tribus amérindiennes tout en les confinant dans des réserves, en privant leurs enfants de leur langue et de leur culture, et en violant tous les traités signés. L'Afrique du Sud a offert des bantoustans aux Sud-Africains noirs, qualifiant ces territoires morcelés et défavorisés de "patries", tout en maintenant le contrôle suprématiste blanc sur l'économie et l'armée. La France a promis l'autonomie à l'Algérie en exploitant ses ressources et en maintenant sa domination coloniale. La promesse du colonisateur n'est jamais qu'un mensonge enrobé dans un discours prétendument libérateur.

En Palestine, l'intention est la même : promettre un État tout en développant des colonies, garantir la paix tout en intensifiant l'occupation. Les négociations ne sont jamais destinées à mettre un terme à la souffrance des Palestiniens, mais à la gérer, la contenir et l'occulter aux yeux du monde. La reconnaissance annoncée pour le mois de septembre suit le même script, mais les enjeux sont désormais plus conséquents et la mascarade plus flagrante.

Pourtant, ils attendent des Palestiniens l'acceptation de cette reconnaissance illusoire, le pardon de l'impardonnable, et qu'ils négocient avec ceux qui se présentent comme les "gentils" dans les arcanes de l'histoire. Mais l'histoire a entendu l'appel de Hind Rajab. On nous a contraints, ces deux dernières années, à intérioriser la déshumanisation dont nous sommes témoins jour après jour, à relayer des accusations d'antisémitisme infondées, tout en entretenant l'illusion que l'histoire a commencé le 7 octobre 2023. Ainsi, tous semblent croire qu'ils peuvent dicter l'avenir de la Palestine sans les Palestiniens. Mais ce sont les Palestiniens qui détermineront les modalités de leur libération et l'usage qu'ils feront de cette liberté.

L'État palestinien, tout comme l'aide humanitaire, ne saurait être une monnaie d'échange. Attendre qu'Israël ait annexé la quasi-totalité de la Palestine pour offrir un État revient à attendre le stade 5 de la famine pour distribuer de l'aide. Ces pays revendiquent une autorité morale en contribuant activement au génocide palestinien. Parce que les Palestiniens ne sont pas perçus comme des êtres humains égaux en droits.

Si ces individus estiment que la loi est une solution, qu'ils acceptent également l'existence d'une législation appropriée à la libération des Palestiniens. L'ONU reconnaît en effet depuis de nombreuses années l'occupation et l'apartheid de la Palestine, deux crimes contre l'humanité. La résolution 3236 de l'ONU affirme notamment les droits inaliénables du peuple palestinien à l'autodétermination, à l'indépendance nationale et à la souveraineté, "par tous les moyens nécessaires". La même communauté internationale qui invoque généralement le principe de la responsabilité de protéger (R2P) observe aujourd'hui le génocide des Palestiniens en temps réel, sa doctrine passant soudain aux oubliettes lorsque le responsable est son État client préféré. Ces mêmes gouvernements offrant une reconnaissance conditionnelle violent activement leurs obligations légales de veiller au respect du droit international par Israël. Le crime le plus grave de tous, le génocide, doit juste être mis sous le tapis pendant le temps nécessaire au renforcement de leur pouvoir pour poursuivre leur expansion. Ces États veulent qu'on leur pardonne de ne pas avoir résolu le "problème" palestinien. Mais un mort se moque bien de savoir qui a largué la bombe. Les morts ne pardonnent pas.

La solution à deux États se meurt avec les 18 000 enfants palestiniens de Gaza, avec chaque famille déplacée de Jénine, chaque jour où le monde assiste au génocide en le qualifiant d'"autodéfense". La Palestine qui émergera ne sera pas ce petit État castré que ces gouvernements envisagent, mais celui que nous aurons créé par la résistance, la détermination et la simple volonté de survie, lorsque survivre devient révolution.

Je dénonce l'idée méprisable qu'un État palestinien puisse être un substitut à la justice, et que nos terres ne soient bonnes qu'à danser sur des cadavres ensevelis.

Accepter l'imposture qu'est la solution à deux États revient à déshonorer les dizaines de milliers de victimes dont la mort est le prix à payer pour l'indifférence du monde face à la souffrance et au sang palestiniens. La reconnaissance totale des droits des Palestiniens doit maintenant prévaloir : notre droit d'autodétermination, jusqu'à ce que la liberté se manifeste dans tous les domaines. Le monde doit désormais imposer des sanctions, s'impliquer davantage et que les milliards de spectateurs de ce génocide rassemblent le courage et la détermination d'un seul Palestinien.

Traduit par  Spirit of Free Speech

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